Les blaireaux peuvent dormir tranquille…

Il n’y aura pas de chasse aux blaireaux en Wallonie. Certains mauvais esprits diront que c’est dommage…


On parle souvent «animaux» en séance de commission du Parlement wallon. Sangliers, abeilles… Ce matin, en commission de l’agriculture, c’est le blaireau qui est venu sur la table.

Il y a quelques semaines, le ministre Carlo Di Antonio (cdH) se demandait s’il n’allait pas lever le statut d’espèce protégée qui permet actuellement aux blaireaux de gambader en paix chez nous. On ne peut en effet les chasser que sous couvert d’une dérogation.

Mais pourquoi envisager de lever cette protection?

Parce que les indemnités pour dégâts aux cultures ont cartonné en 2012 : 400 000 €, soit six fois plus par rapport aux derniers relevés. Il se fait que les dégâts provoqués par des blaireaux sont indemnisés par la Région wallonne. C’est par contre le privé qui assume quand les dégâts aux cultures sont attribués aux sangliers.

Plus de dégâts, parce que plus de blaireaux? C’était la première hypothèse.

À cause de l’indemnisation automatique ?

Écolo remet en cause cette «soi-disant croissance exponentielle». «Les experts affirment que l’espèce est stable depuis des années : 4 500 individus sur le sol wallon, pas plus».

La députée wallonne Bénédicte Linard a donc reposé la question à Carlo Di Antonio : on déclare la guerre aux blaireaux ou pas?

Le ministre n’insiste pas. Pas de chasse aux blaireaux… OK pour une population stable, puisque les experts semblent s’accorder à ce sujet.

Mais on ne sait toujours pas pourquoi les demandes d’indemnités ont connu cette poussée de fièvre en 2012. Si ce n’est pas dû à une croissance soudaine de la population de blaireaux, Écolo est tenté d’expliquer le phénomène par la politique d’indemnisation automatique de la Région. «Ce qui fausse l’impact réel que peuvent avoir les blaireaux en termes de dégâts.»

Carlo Di Antonio a proposé qu’un groupe de travail creuse la question et réfléchisse à des solutions.

Article dans l'avenir du 19/02/2013

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Lettre de l'Entente Nationale Pour la Protection de la Nature asbl à l'attention de Monsieur Carlo Di Antonio, Ministre des Travaux publics, de l’Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine en région wallonne(31 janvier 2013)

Monsieur le Ministre,

Objet : le Blaireau, espèce protégée.

Nous avons appris avec inquiétude que le blaireau, espèce protégée, était menacé.

Depuis des dizaines d’années, notre fédération et les associations de conservation de la nature qui en sont membres avions œuvré pour éviter l’extinction de l’espèce dans notre pays.

Les populations de blaireaux ont beaucoup souffert jadis, décimées par le gazage des terriers de renards, le piégeage et la chasse. Nous avons participé, avec les services vétérinaires et les agents des Eaux et Forêts, à la vaccination des renards contre le virus de la rage. La rage a été éradiquée dans notre pays et les pays voisins. L’espèce blaireau a pu être sauvée de l’extinction et certaines populations ont pu lentement se reconstituer.

Mais malgré le statut actuel d’espèce protégée dans notre pays, le blaireau est toujours absent de pas mal de milieux où il existait auparavant. On peut donner l’exemple , entre autres, du Brabant wallon, où nous ne connaissons qu’un seul endroit où subsistent des terriers occupés par l’espèce.

Nous avons étudié les possibilités de restaurer un réseau écologique susceptible de permettre le retour du blaireau en Brabant, au départ de cette localité ou au départ de la province du Limbourg.

L’Entente Nationale pour la Protection de la Nature lutte depuis 1996 pour la sauvegarde du réseau écologique (maillages vert et bleu) entre la forêt de Meerdaal, la forêt de Soignes et le Bois de Hal., avec la collaboration d’une série d’associations de conservation de la nature wallonnes, bruxelloises et flamandes. Un mémoire universitaire : « Approche méthodologique du renforcement écologique externe de forêts périurbaines. Etude de la liaison entre la forêt de Soignes et le Bois de Hal pour le blaireau » fut présenté à L’ U. C. L. (Olivier Terlinden, 2009-2010).

Nous avons collaboré avec les groupements « Regionaal Landschap Dijleland » et « De Vrienden van Heverleebos en Meerdaalwoud », « les Amis du Parc de la Dyle »et « Les Amis de la Forêt de Soignes », durant plusieurs années, à une étude scientifique des possibilités de restauration de réseaux écologiques en vue du retour du blaireau vers la forêt de Meerdaal, au départ des rares zones du pays où il subsiste des populations de cette espèce.

Il existait encore quelques individus dans la région de la Dyle, en forêt de Meerdaal et en lisières à Beauvechain et Grez-Doiceau, il y a une vingtaine d’années.

Nous suivons depuis lors la situation en Brabant. Elle ne s’améliore pas encore.

Ailleurs en Wallonie, au moins localement, l’espèce a pu récupérer un effectif plus significatif et la population est actuellement stable depuis ces dernières années, avec une estimation d’environ 4200 individus (Estimation Université de Liège, 2012). Mais dans l’ensemble de la Région wallonne, la population de blaireau peut encore être considérée comme dans un état fragile, compte tenu des menaces : trafic routier, pièges, braconnage, usage de pesticides dans les régions rurales,...

Une atteinte au statut de protection du blaireau serait pour nous la ruine de nos efforts. Elle sonnerait comme un signal négatif dans l’opinion publique, que nous cherchons à sensibiliser au respect de la biodiversité.

Les dégâts de gibier sont dus principalement à d’autres espèces, tel le sanglier, en surnombre. Les dégâts dus au blaireau constituent une très faible proportion par rapport aux dégâts des espèces « gibiers ». Des dégâts de sangliers ont été repris comme dégâts de blaireaux par des chasseurs pour ne pas payer et par des agriculteurs pour obtenir plus facilement une indemnité de l’administration.

Nous demandons que le statut de protection de cette espèce ne soit pas remis en cause.
Que l’on n’autorise pas la mise à mort.
Que dans les cas prouvés de participation de blaireaux aux dégâts, les solutions alternatives soient préconisées, telles les techniques d’effarouchement, la pose de clôtures, etc.
Pour les zones de Wallonie peu peuplées en blaireaux, ne peut –on transférer certains individus dans les zones jadis habitées par l’espèce et où elle fut éliminée ; par exemple dans les anciens terriers répertoriés (zones forestières, bocagères, chemins creux,…) ?

Nous espérons, Monsieur le Ministre, que le statut du Blaireau comme espèce protégée sera respecté et que des efforts de restauration des milieux naturels d’une part et le retour vers une agriculture de qualité, respectant mieux l’environnement et la biodiversité, éviteront à l’avenir de tels conflits.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération distinguée,
Dr Jacques Sténuit, Co-Président
Léon Woué, Co-Président